Tribune One Health : “Nos 5 grands principes de santé globale, pour anticiper les menaces du 21e siècle”
One Health, une santé globale pour tous et par tous pour mieux appréhender le monde de demain
Un enjeu de santé publique pour prévenir les prochaines urgences sanitaires
A l’instar de 75% des maladies émergentes répertoriées chez l’Homme, la COVID-19 est très probablement liée à l’évolution d’un coronavirus à partir d’un réservoir animal, à l’instar des dernières infections virales émergentes comme Ebola, la grippe aviaire ou encore le Sida. La crise actuelle nous conforte dans la nécessité d’appréhender la santé de façon globale en intégrant une vision préventive plus aboutie de ces menaces. Cette approche permettra d’identifier plus précocement les risques liés à la santé environnementale et aux maladies émergentes, de les prévenir, de limiter leur impact et leur diffusion, afin d’éviter leur évolution en pandémie.
D’un concept à son application concrète
Cette approche ne pourra se concrétiser que de façon intégrée et interdisciplinaire, dans un cadre conceptuel ou la protection de la santé de l’Homme passe par celle de l’animal et de leurs interactions avec l’environnement. A travers une vision globale, une Seule Santé ou le concept global de “One Health”, comme précisé en février 2022 par le rapport du conseil scientifique (“One Health une seule santé, humaine animale, environnement : les leçons de la crise”), nous serons en mesure de mieux comprendre les relations éco-systémiques des enjeux sanitaires du « vivant » au sens large. Il est essentiel de traduire rapidement les apprentissages de cette crise en réponses appliquées. Pour parvenir à des actions concrètes, nous recommandons la mise en place dans les plus brèves échéances de cinq axes essentiels qui auront comme premiers effets de prévenir les prochaines urgences sanitaires et d’améliorer les réponses face à leur apparition.
Vers une ouverture élargie des formations en santé
Le premier défi est d’ordre culturel, afin de permettre aux professionnels des différents domaines de capitaliser sur la pluridisciplinarité d’action, de réaction et d’interactions. La pandémie de la Covid-19 a révélé des limites dans la communication et la coordination actuelles entre santé humaines et animales. Médecins, biologistes, vétérinaires, personnels soignants, sages-femmes, et tous autres acteurs de la Santé doivent mieux se connaître, mieux se comprendre, et mieux interagir. La dimension globale est ici essentielle pour déclencher une réponse adaptée, à l’échelle d’une équipe commune. La formation interdisciplinaire est la solution évidente à ce besoin, dont le modèle militaire est riche d’enseignements : “we train as we fight, we fight as we trained” (“nous nous entraînons comme si nous combattions, nous combattons comme nous nous sommes entraînés »). En d’autres termes, l’équipe travaille et se forme ensemble. Afin de faciliter cette coopération entre santé humaine et animale, il convient de réintégrer les vétérinaires dans la grande famille des professionnels de santé, et de créer dès leur formation des interactions et enseignements partagés avec les médecins, dans les écoles vétérinaires et les facultés de médecine .
Ces objectifs doivent se penser dans une dimension européenne et internationale. A cet égard, l’installation du centre de formation de l’OMS à Lyon offrirait une excellente opportunité de diffuser cette vision dans les formations existantes et à venir.
Pour la création d’un réseau de veille “sentinelle” global.
Depuis la grande épopée pasteurienne, les vétérinaires assurent des missions en lien avec la santé humaine, par la surveillance des maladies animales transmissibles. De la même façon, il existe des réseaux de veille en santé humaine. Il est essentiel qu’il y ait une grande coordination entre les stratégies de veille en santé animale et en santé humaine. Cette dernière passera par la sensibilisation de chacun des acteurs aux complémentarités de leur veille, et à la grande plasticité des menaces infectieuses, capables de passer certaines « barrières d’espèces » à la faveur de différentes circonstances. C’est par le renforcement du lien entre les vétérinaires et les professionnels de santé humaine que la vision globale des menaces infectieuses pourra être plus efficaces, avec pour objectifs principaux le développement d’outils d’anticipation et de détection épidémique, permettant la constitution de grandes bases de données à des fins également de recherche. Cette sentinelle agira en lien et en coordination avec la création par l’OMS du Berlin Hub rapprochant la surveillance des zoonoses de celle des infections humaines.
Instaurer une éducation à la santé globale dès le plus jeune âge
Pour que cette approche de santé globale puisse émerger dans l’ensemble des politiques publiques, seule une volonté politique forte permettra à l’ensemble de la population de se l’approprier. Tout comme le battement d’aile de papillon peut avoir un effet climatique marqué, l’apparition d’un virus influenzae chez une espèce animale peut avoir de lourdes conséquences sur l’homme ou son environnement. Cette conscience et cette compréhension doivent s’ancrer dans une culture scientifique travaillée dès le plus jeune âge ! La réaction du peuple japonais aux séismes est à ce titre exemplaire car les japonais s’entraînent régulièrement, dès la maternelle, à réagir face à un séisme.
Promouvoir une approche citoyenne large
Le continuum de professionnels issus de milieux divers pour répondre aux besoins logistiques et sanitaires durant la période épidémique a également permis d’amener une diversité de compétences permettant de compléter les approches scientifiques, technologiques et éthiques. La santé globale doit s’enrichir de cette approche multiple. Disposer d’un capital humain riche, mêlant citoyens, industriels, agriculteurs, professionnels de santé, philosophes, sociologues, anthropologues dans tous les territoires, permettrait non seulement de mieux développer la recherche et l’innovation sur la thématique “une seule santé” en maintenant une vision humaine et éthique nationale, mais permettrait en outre de développer une véritable démarche citoyenne engageante et impactante.
Promouvoir une ambition forte à travers la Santé globale
Enfin, pour terminer, la France doit porter au niveau européen cette initiative de santé globale. Il s’agit désormais d’aller au-delà de son initiative de création d’un panel d’experts de haut niveau “One Health” dans le cadre du Forum de la paix de Paris 2020. Le renforcement de « l’Europe de la Santé » et la démonstration des enjeux et résultats de la coordination des états membres à travers la pandémie, est un atout essentiel pour partager cette vision largement. En s’appuyant notamment sur l’European CDC, et en capitalisant sur le maillage et l’expertise reconnue de la France en matière de Santé, la France doit saisir l’opportunité d’agir pour le bien commun et de retrouver un rayonnement à la hauteur de son héritage médical.
La crise que nous avons traversée a entraîné une première phase de sidération, rapidement suivie d’une phase de réaction, caractérisée par un engagement sans faille des professionnels de Santé. Les différents apprentissages issus de ces derniers mois doivent maintenant servir à mieux prévenir ces situations. Nous sommes convaincus qu’à travers ces 5 grands principes de santé globale, nous pourrons mieux anticiper les menaces du XXIème siècle.
Signataires, par ordre alphabétique.
François Blanchecotte (Président du syndicat des Biologistes de France), Yann Bubien (Directeur Général, CHU de Bordeaux), Alexis Capelle (Membre du Conseil d’Administration du Club ESSEC Alumni Santé), Gaétan Casanova (président de l’Intersyndicale nationale des internes), Thierry Chiche (Président Elsan), Laurence Comte Arassus (Directrice Générale, France Benelux et Afrique Francophone GE Healthcare), Nicolas Cristol (Directeur, Industrie santé), Julien Delpech (entrepreneur en Santé, fondateur Invivox), Florence Dupré (Présidente France, Medtronic), Valérie Freiche (Docteur vétérinaire, Ingénieur de Recherche CHUVA, Ecole Vétérinaire d’Alfort), Isabelle Fromantin (Infirmière PhD, Institut Curie, programme K-Dog), Michaël Galy (Directeur Général, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg), Jean-François Gendron (Président French Healthcare Association), Pr. Caroline Gilbert (vétérinaire, CNRS-MNHN), Eric Guaguère (Docteur vétérinaire, Past-Président de la section « sciences cliniques » de l’Académie Vétérinaire de France), André Jestin (Président de l’Académie vétérinaire de France), Anne-Sophie Joly (Présidente du collectif National des associations des obèses), Olivier Louvet (consultant innovation en santé), Laurie Marrauld (Enseignante chercheuse en santé numérique et durable), Franck Mouthon (président de France Biotech, CEO de Theranaxus, expert qualifié Innovation santé 2030), Myriam Oukkal (Présidente du conseil de la e-santé et co-fondatrice du Collectif d’EcoResponsabilité en Santé), Pr. Patrick Pessaux (Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, Président du Collectif d’EcoResponsabilité en Santé), Pr. Thierry Philip (Président de l’Institut Curie), Valérian Ponsinet (membre du bureau national de la Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France), Pr. Julien Pottecher (Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, Président du Collège National des Enseignants en Anesthésie-Réanimation), Guillaume Prorel (Vétérinaire, Directeur de la formation Chirurgicale) Pr. Pierre Saï (Président de la section « formation-recherche » de l’Académie Vétérinaire de France), Nathalie Salles (PU-PH, présidente de la Société Française de Gériatrie et Gérontologie), Pr. Jean Sibilia (Doyen Faculté de médecine, maïeutique et sciences de la santé de Strasbourg), Morgane SOULIER (fondatrice et dirigeante de feeleat, membre du comité d’expert santé Jeunes de la Fondation de France, experte en e-santé et metaverse, patient-experte), Pr. Karim Tazarourte (PU-PH urgentiste, chef de service SAMU 69-urgences-médecine hyperbare groupement hospitalier Édouard Herriot, hospices civiles de Lyon), Dr. Franck Verdonk(MCU-PH et président du SNJAR, syndicat national des jeunes Anesthésistes-Réanimateurs), Pr. Eric Vibert (AP-HP, GHU Paris Saclay, Chaire Innovation BOPA).
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